Repenser la piscine, c’est interroger notre rapport à l’eau, à la technique et au confort. Dans cet article, nous expliquons comment notre équipe s’engage vers un modèle plus sobre, fondé sur la réparabilité, la formation et l’intégration des bassins dans des logiques de résilience et de partage.
Depuis plus de quinze ans, Virginie Mazan, co-fondatrice d'e-dem, suit les évolutions du marché de la piscine, ses innovations comme ses excès. La piscine reste souvent perçue comme un espace de confort et de plaisir, sans que l’on mesure toujours son impact réel sur les ressources. Or, dans un contexte de réchauffement climatique et de pression croissante sur l’eau, il nous semble essentiel de faire évoluer cette vision. La piscine peut devenir bien plus qu’un simple lieu de détente : un espace de préservation, d’apprentissage et d’autonomie.
Les piscines consomment de l’eau pour le remplissage initial, pour compenser l’évaporation ou pour pallier les fuites. Certaines configurations, comme les bassins à débordement, amplifient encore ces pertes. Mais au-delà de la question de l’eau, la piscine a une empreinte plus large : matériaux à forte intensité énergétique, équipements complexes, traitements chimiques et déchets d’exploitation.
Repenser la piscine, c’est donc interroger non seulement sa conception technique, mais aussi sa place dans nos modes de vie. Elle ne peut plus être pensée comme un simple bien individuel, mais comme un élément d’un écosystème local à préserver.
Au fil des années, nous avons observé trois grandes approches dans le secteur, chacune apportant des solutions mais aussi ses limites.
1. La fuite en avant technologique
Les systèmes connectés, les automatismes et les robots promettent confort et performance. Pourtant, ils engendrent souvent une dépendance accrue : au fabricant, aux logiciels, aux mises à jour. Cette sophistication multiplie les risques d’obsolescence et, paradoxalement, augmente la consommation globale d’énergie et de ressources.
2. L’éco-design de façade
Certaines initiatives se veulent plus responsables — piscines en containers recyclés, matériaux alternatifs, filtres naturels — mais sans remettre en question la logique d’équipement individuel. Elles rendent la piscine plus acceptable, sans interroger la pertinence même de sa généralisation.
3. Le retour au naturel
Les bassins de baignade biologique ou à phytoépuration représentent une avancée réelle : ils réduisent l’usage de produits chimiques et favorisent la biodiversité. Mais ils exigent des surfaces importantes, un entretien rigoureux et une vraie formation de l’usager. Sans accompagnement, leur équilibre reste fragile.
Ces trois modèles montrent qu’améliorer l’existant ne suffit plus. Il faut repenser l’usage, la symbolique et la fonction même de la piscine.
Face à ces constats, nous avons choisi une autre voie : celle de la sobriété réfléchie. Notre démarche low-tech repose sur trois piliers : la simplicité, la transmission et la résilience.
Nous concevons des piscines robustes, compréhensibles et réparables. Nous privilégions les matériaux locaux, les circuits courts, et une conception où chaque élément peut être entretenu par son utilisateur. Nous formons les particuliers à l’entretien et à la régulation de leur bassin pour les rendre autonomes, et nous expérimentons de nouvelles solutions biologiques de traitement de l’eau, adaptées aux ressources locales.
Pour nous, la piscine n’est pas qu’un équipement : c’est un lieu d’expérimentation. Elle peut devenir un espace partagé, un réservoir domestique, un support d’agriculture urbaine ou même un outil de prévention face aux fortes chaleurs.
Dans un monde où l’eau devient un enjeu collectif, la mutualisation des infrastructures et la réinvention des usages deviennent essentielles. Une piscine peut contribuer à la gestion locale de l’eau, à la production alimentaire, à la création de microclimats ou encore à la solidarité climatique
Cette transition n’est pas simple. Les technologies naturelles ou hybrides peuvent être plus coûteuses à l’installation et nécessitent un savoir-faire particulier. Les modèles économiques doivent évoluer : privilégier la durabilité plutôt que le volume de vente, valoriser la formation et la maintenance locale plutôt que la standardisation.
Il faut aussi transformer notre manière de communiquer : parler de sobriété sans culpabiliser, de simplicité sans nostalgie, et redonner du sens à la technique. Nous défendons une communication honnête, ouverte, qui donne envie d’apprendre et de participer.
Nous travaillons déjà sur plusieurs axes :
Ces projets traduisent notre conviction : la piscine peut être un levier de résilience territoriale, pas seulement un objet de loisir.
Nous ne prétendons pas avoir toutes les réponses, mais nous savons dans quelle direction aller : plus de simplicité, plus d’autonomie, plus de sens.
Notre démarche low-tech est à la fois une invitation et un engagement : réapprendre, documenter, expérimenter et partager. Nous voulons construire avec d’autres acteurs un secteur de la piscine utile, résilient et respectueux de l’eau — cette ressource qui, plus que jamais, mérite notre attention et notre soin.